Les généraux de l'Armée du Potomac - IV: Joseph Hooker
28 janvier 1863 - 28 juin 1863
De l'inconvenance de liquider son N+1 pour devenir N+1
Quand Burnside démissionne, c'est en partie aux critiques ouvertes et télégraphiées à Washington par ses subordonnés qu'il le doit.
Parmi eux, Joseph Hooker, âgé de 51 ans. C'est ce dernier que Lincoln décide de nommer, de préférence à un rappel de Mac Clellan qui était réclamé par d'autres officiers supérieurs.

Les atouts de Hooker
L'homme a pour lui l'expérience militaire, en raison de sa carrière, mais aussi de sa participation aux conflits qu'a connus l'armée des Etats-Unis. (il s'agit cependant surtout de guerres indiennes, donc peu formatrices du point de vue de la direction des grandes unités).
Il a aussi pour lui sa conduite agressive des troupes sous son commandement, que ce soit une division (Campagne de la Péninsule) ou un corps (Antietam).
Les défauts de Hooker
Cependant, il a contre lui une certaine tendance à l'insubordination, notamment à l'encontre de Mac Clellan, qu'il accuse de trop de prudence et d'incapacité à saisir les occasions, des critiques ouvertes sur son supérieur. Il critique également les décisions de Burnside après Fredericksburg, notamment sa tentative de débordement par des routes rendues bourbeuses par les pluies.
Dans les deux cas, les critiques sont fondées. Dans les deux cas, elles sont publiques et visent un supérieur.
Il a aussi trop tendance à émettre des avis politiques qui le dépassent, ainsi ses propos sur l'éventuelle nécessité d'une dictature pour mener à bien la guerre.
Nomination de Hooker
Lincoln est pleinement conscient de cela lorsqu'il le nomme. Il a besoin de quelqu'un d'offensif et Hooker semble l'être. Cependant il le met en garde sur deux choses:
« Je dois craindre maintenant que l'esprit que vous avez aidé à infuser au sein de l'armée, de critiquer ses commandants, ne se retourne contre vous.»
Ainsi Lincoln lui rappelle t-il qu'il aura intérêt à être au dessus de tout reproche car il aura à gérer une armée qu'il a lui même minée en quelque sorte.
« Seuls les généraux qui obtiennent des succès peuvent être nommés dictateurs [...] C'est pourquoi je vous demande des succès militaires, et je prendrai le risque de la dictature.
Par cette autre remarque, le président lui rappelle également, suite aux propos qu'il a tenus sur la nécessité d'une dictature, que les généraux restent sous la subordination du gouvernement, et pas l'inverse.
Les opérations
Néanmoins, Hooker jouit de la confiance du gouvernement et prend des mesures propres à améliorer l'efficacité de l'armée, tant au niveau du quotidien (intendance et mise en place des permissions) qu'au niveau du renseignement (mise en place d'un corps de cavalerie regroupant les divisions ou détachements attachés aux corps d'infanterie, et création d'un bureau d'intelligence, regroupant les différentes sources de renseignement militaire).
Il prépare également un plan d'offensive qui semble convaincant et se met en marche dès le retour des beaux jours, annonçant « Mes plans sont parfaits, et je vais commencer à les mettre en œuvre, puisse Dieu avoir pitié de Bobby Lee, car moi je n'en aurai aucune. » On peut se demander si ce ton n'a pas trop rappelé aux soldats les vantardises de Pope en son temps. Néanmoins, son plan est cohérent: un tiers de son armée doit fixer l'armée de Lee à Fredericksburg (VIe corps de Sedgwick et Ier corps de Reynolds, les deux sous le commandement de Sedgwick) tandis que trois autres (Ve de Meade, XIe de Howard, XIIe de Slocum) remontent en amont pour contourner les forces sudistes.
Malheureusement, Sedgwick n'est pas assez combattif pour fixer les troupes qui lui font face, tandis que Lee et Jackson sont eux au sommet de leur combativité. Le gros de l'armée de Lee parvient ainsi à se reporter face à Hooker.

Malheureusement encore, ce dernier, choqué dès le début des combats par un boulet qui frappe l'état-major refuse de passer le commandement à un subordonné (Couch) alors que le traumatisme l'empêche de l'exercer efficacement.
Malheureusement toujours, Howard à la tête du XIe corps néglige le retranchement et même la mise en défense de son corps qui défend une des ailes de Hooker. l'attaque de Jackson qui porte précisément sur ce corps s'avère dévastatrice. La seule bonne nouvelle est que Jackson lui-même trouve la mort au cours des combats, victime de tirs amis, privant Lee d'un subordonné totalement en phase avec son style de commandement.

En 5 jours de combats, les Nordistes connaissent une nouvelle défaite qui encourage Lee à faire mouvement vers l'ouest pour envahir le Maryland une seconde fois, par la vallée de la Shenandoah, ce que l'état-major du Potomac apprend le 8 juin.
Revenu de son état de choc, Hooker communique à Washington un plan pour menacer les arrières de Lee tout en menaçant Richmond. Lincoln échaudé par l'échec de Chancellorsville lui ordonne de remonter vers le nord pour défendre les grandes villes.
En protestation, Hooker démissionne à son tour, faute d'avoir reçu les renforts qu'il réclamait.
Conclusion
On peut reprocher deux choses à Hooker:
- par son insubordination initiale, il a sans doute ébranlé la solidité de l'équipe managériale (les commandants de corps).
- il a peut-être aussi commis les mauvaises personnes aux mauvaises missions: Sedgwick par exemple n'était pas spécialement réputé pour son caractère offensif mais s'est révélé parfait en défense; il aurait sans doute été plus adapté à la place de Howard, lequel n'était pas spécialement chevronné.
En tout état de cause, Lincoln n'a toujours pas trouvé son directeur opérationnel. L'entreprise Potomac est cependant de moins en moins ébranlée par les revers qu'elle connaît.