Les généraux de l'Armée du Potomac - II

29/03/2024

Mac Clellan  

confiance en soi et égo

26 juillet 1861- 5 novembre 1862

A la suite de la défaite de Bull Run, il apparaît clairement au Congrès que la victoire sur les rebelles ne sera pas rapide. Il apparaît nécessaire d'organiser et d'entraîner les régiments envoyés par les états, nombreux mais manquant d'entraînement. Il apparaît également opportun de remplacer Mac Dowell même s'il n'est pas officiellement relevé de ses fonctions.

Dans le même temps, les journaux parlent beaucoup d'un jeune général brillant et de ses succès en Virginie du nord-ouest. Le New York Herald, journal démocrate, évoque même le « Napoléon de la présente guerre » pour qualifier George Mac Clellan, que le président Lincoln appelle pour prendre le commandement de l'Armée du Potomac, qui est en phase de mise sur pied à partir des unités des départements de Virginie orientale (sous le commandement de Mac Dowell), Washington (sous le commandement de Mansfield ) et de la Shenandoah (sous le commandement de N. Banks).

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George Mac Clellan devient ainsi le premier « vrai » général de l'Armée du Potomac.

Une unité à laquelle il parvient à donner l'un esprit de corps et l'un entraînement rigoureux qui permettront à cette unité d'encaisser bon nombre de défaites, mais qu'il ne parviendra jamais à diriger avec suffisamment d'esprit offensif.

Ainsi seront-ce finalement d'autres généraux que lui qui la mèneront enfin à la victoire..

Mansfield sur Mac Clellan : « Little Mac, petit dans tous les sens du mot. Il est terriblement prétentieux et éclatera probablement sous l'effet de sa propre estime de soi »
Mansfield sur Mac Clellan : « Little Mac, petit dans tous les sens du mot. Il est terriblement prétentieux et éclatera probablement sous l'effet de sa propre estime de soi »

Un candidat brillant, mais avec des axes de vigilance

Des études et une carrière brillante

Mac Clellan est un élève puis un officier brillant ; cependant son parcours est facilité par des appuis qu'il a de naissance ou qu'il sait se ménager.

- 2/59 de la promotion West Point 1846 (accepté malgré la limite d'âge sur recommandation du président des E.U. John tyler Jr (1790-1862) sollicitée par son père (fondateur du Jefferson Medical College à Philadelphie).

- 1846-1854 Officier du génie, avec quelques missions topographiques dont une qui révèle quelques tendances néfastes qui ressortiront pendant la Guerre de Sécession. Appui de W.Scott (Général en chef de l'US Army)

- 1855-1857 Officier d'Etat Major, chargé d'étudier les tactiques et organisations européennes, en particulier durant la guerre de Crimée. Là encore une facette intéressante et négative du personnage apparaît. Quelques publications de tactique qui sont surtout des traductions : l'une sur le combat à la baïonnette (pour rappel, la guerre de sécession verra moins d'1% des blessures occasionnée par cette arme en raison du progrès des armes à feu) l'autre sur les tactiques de cavalerie inspirées de la cavalerie russe. 

Ces quelques écrits suffisent dans le contexte militaire américain du début du XIXe siècle à le faire considérer comme un théoricien brillant. Pour rappel, l'armée américaine est encore une armée peu nombreuse, que la population ne veut pas plus nombreuse car elle y voit une menace potentielle envers la démocratie. La chose militaire n'est donc pas forcément valorisée. Durant cette période, il bénéficie de l'appui de Jefferson Davis (secrétaire de la Défense, futur président de la Confédération des Etats d'Amérique).

….mais quelques points de vigilance

En mars 1853, Mac Clellan participe aux reconnaissances pour la future Pacific Railroad. Durant celles-ci, il se signale par les démêlés qu'il a avec son supérieur Isaac Stevens (gouverneur du territoire de Washington). Ce dernier remet en cause la qualité des reconnaissances effectuées par son subordonné, trop peu poussées. Quand il réclame à Mac Clellan ses carnets d'exploration, ce dernier refuse de les remettre, en raison de « commentaires personnels embarrassants ». Il semble que Stevens était d'un caractère autoritaire il est vrai, mais la voie ferrée, à la suite d'autres expéditions indépendantes des deux acteurs, passa par les cols négligés par Mac Clellan

Avril – Novembre 1855 Il participe à la Commission Delafield, chargée d'étudier les armées européennes et les opérations de Crimée. Son regard sur les opérations menées durant cette dernière se révèle remarquablement critique et pour tout dire négatif.

M'a marqué et à vrai dire amusé une remarque de Mac Clellan concernant une attaque française durant la bataille de l'Alma qui « était adaptée mais aurait dû, pour atteindre son objectif être suivie d'une poursuite sans relâche telle que celle qui décida du succès de Iéna. »

Tout le personnage est déjà là : féru de stratégie napoléonienne (qui devient tactiquement obsolète durant les années 1850 avec les progrès des armes à feu) et prompt à dénoncer les carences des autres. L'année 1862 prouvera que quoiqu'il sache reconnaître l'importance d'exploiter un succès, il lui semble n'être pas si simple de le faire lui-même.

A sa décharge l'incurie logistique qu'il a (à raison) dénoncée a pu non pas le traumatiser mais l'amener à soigner déraisonnablement la préparation logistique de chacun de ses mouvements stratégiques. Déraisonnablement, car au point de compromettre la vitesse d'exécution nécessaire à une guerre de mouvement.

Si on analyse ces anecdotes, on peut discerner :

- Tendance à l'insubordination

- Inaptitude à la remise en question

- Tendance au jugement négatif sur les homologues et sur les supérieurs

- Excès de confiance en soi (ou d'égo)

Compensés par une capacité certaine à apprendre et par une capacité tout aussi certaine à réseauter.

Avant le déclenchement de la guerre civile, McClellan s'engage en politique, soutenant la campagne présidentielle du démocrate Stephen A. Douglas à l'élection présidentielle de 1860. Il prétend avoir déjoué une tentative de fraude électorale des Républicains, en faisant retarder un train transportant des hommes allant voter illégalement dans un autre comté, permettant ainsi à Douglas d'y remporter l'élection.

Cette anecdote rappelle que Mac Clellan n'est pas spécialement proche des Républicains (dont le candidat à cette élection est le Président Lincoln). Il n'est pas non plus abolitionniste, ce qui est à vrai dire le cas de nombre d'Américains. L'abolition de l'esclavage n'a jamais été le but de guerre du gouvernement Lincoln, qui a simplement été le maintien de l'Union.

2- Premiers commandements

Mac Clellan en 1861
Mac Clellan en 1861

Au moment où les états mobilisent, la réputation de Mac Clellan le fait approcher par les gouverneurs de trois états afin de commander leur milice. Il accepte finalement la proposition de William Jennison de commander la milice de l'Ohio, une fonction qu'il n'occupe que quelques jours en avril 1861 puisqu'il est nommé le 3 mai à la tête du Département militaire de l'Ohio.

Talents d'organisation

Durant ce laps de temps il parvient tout de même à mettre en place l'entraînement des volontaires qui affluent.

Difficulté à accepter la critique

Il envoie également dans ce laps de temps un plan d'opérations unifié à son supérieur W. Scott qui a de son côté déjà un plan stratégique pour conduire la guerre à venir. Ce dernier rejette les plans de son subordonné qu'il juge irréalistes pour des raisons logistiques. Mac Clellan commence à en concevoir de la rancœur envers Scott qu'il qualifiera ensuite régulièrement de vieille baderne.

Ces déconvenues ne l'empêchent cependant pas de procéder efficacement à l'occupation et au nettoyage de l'ouest de la Virginie, ce qui permettra aux unionistes locaux de réunir une convention pour créer un état de Virginie occidentale, séparé de la Virginie, qui sera admis dans l'Union en 1863.

Tendance à outrepasser ses fonctions

Cependant, il y outrepasse ses fonctions en garantissant que le gouvernement ne procèdera pas à l'abolition de l'esclavage dans les territoires rebelles occupés. Il réalise cependant rapidement qu'il a outrepassé son mandat et s'excuse auprès du président.

Quoique je ne le porte pas dans mon cœur, force est de constater qu'il n'est pas le seul général à agir ainsi, puisque Fremont fera de même en aout 1861 dans le Missouri, en proclamant la confiscation des biens des rebelles – y compris donc les esclaves-. Fremont sera limogé, non pas en raison de son abolitionnisme mais en raison de sa persévérance dans l'insubordination.

William S. Rosecrans, subordonné de Mac Clellan au département de l'Ohio. A la décharge de Mac Clellan, il aura aussi des difficultés relationnelles avec Grant.
William S. Rosecrans, subordonné de Mac Clellan au département de l'Ohio. A la décharge de Mac Clellan, il aura aussi des difficultés relationnelles avec Grant.

Tendance à s'attribuer les mérites de ses subordonnés

Toujours est-il que sous son action et celle de son subordonné Rosecrans, les Confédérés sont évincés de la région. Les journaux en attribuent tout le mérite à Mac Clellan, Rosecrans considèrera que sa propre action a été amoindrie par la pusillanimité de son supérieur.

Après son départ pour l'armée du Potomac, Mac Clellan accepte la nomination de Rosecrans à la tête des forces de Virginie Occidentale mais l'ampute des moyens de mener la moindre opération.

Ainsi s'oppose-t-il au projet de Rosecrans de prendre Winchester avec 22 000 hommes et lui retire-t-il 20 000 hommes sur lesdits 22 000 pour renforcer sa propre armée du Potomac déjà forte de 80100 000 hommes environ, contre environ 60 000 confédérés et dans une posture défensive)


Cependant, il n'en demeure pas moins qu'il est à la tête de la seule force opérationnelle qui ait remporté un succès, même mineur. Et c'est à ce titre qu'il est appelé pour prendre le commandement de l'armée la plus importante de l'Union, celle chargée de défendre Washington et de prendre Richmond sous les vivats de la presse.

3. La prise en main de l'Armée du Potomac

Arrogance et mégalomanie

Le 22 juillet, soit au lendemain de la défaite de Bull Run, Lincoln prie Mac Clellan de venir commander l'armée de volontaires de trois ans qui se met en place. Quand il y arrive le 26 juillet, il n'y trouve selon ses termes « aucune armée à commander, mais un simple assemblage de régiments tapis sur les rives du Potomac, les uns tout à fait novices, les autres découragés par la récente défaite. ». 

Il y est encensé par la presse qui reprend les termes d'« homme providentiel » et dit qu' « il y a chez lui un indéfinissable air de réussite. » Cet accueil commence à développer chez lui un complexe bonapartiste qui se situe en un sens dans la droite ligne de son admiration pour Napoléon. Le 27 juillet, il écrit à sa femme « Je me trouve ici dans une étrange position : le Président, le Cabinet, le général Scott et tous les autres s'inclinent devant moi. […] on dirait que je suis devenu le seul pouvoir qui compte dans le pays. » Plus grave, il prête une oreille complaisante à des lettres ou conversations lui parlant de présidence voire de dictature.

Organisation et fermeté

Cependant, il met très rapidement cet « assemblage de régiments » en ordre de guerre. La police militaire rassemble fermement les traînards, traque les officiers dans les bars, et des commissions d'examen procèdent au limogeage avant l'heure des officiers incompétents.

Il supervise personnellement l'entraînement de ses recrues et leur inculque discipline, fierté et esprit de corps (les corps de l'armée du Potomac qui sont créés par décret le 13 mars 1862 sont les premières grandes unités permanentes de l'histoire américaine. Ses soldats lui en témoignent une affection et une admiration sincère qui ne sera pas démentie même après les défaites.

Intrigue

Très rapidement, Mac Clellan se sent bridé par son supérieur direct, Winfield Scott. Dès le début du mois d'août, il se plaint à sa femme du « vieux général » qui lui met des bâtons dans les roues. Il le soupçonne de « gâtisme ou de trahison », certes en privé mais intrigue contre lui, le court-circuite en s'entretenant directement au Président, en déclarant publiquement « qu'il ferait les choses en grand et anéantirait les Rebelles en une seule campagne ». Cette déclaration d'intention est ouvertement contraire au plan Anaconda proposé par Scott, consistant à étouffer puis affaiblir la Confédération en la coupant en deux le long du Mississippi ; ce plan qui sera finalement celui qui sera suivi et amènera à la victoire a contre lui de demander de la patience à des Républicains désireux d'en finir au plus vite avec la Sécession, là où Mac Clellan leur dit ce qu'ils veulent entendre, à savoir une victoire rapide et facile.

Lincoln essaie de ménager la chèvre et le chou mais Scott se retrouve de plus en plus poussé vers la retraite jusqu'au 1er novembre 1861, date à laquelle il fait valor son droit à la retraite, qui est accepté sous la pression des Républicains.

A ce moment, Mac Clellan accepte la charge qu'il briguait, à savoir celle d'être général en chef et commandant de la principale armée de l'Union, l'armée du Potomac. Au Président qui s'inquiète de la charge de travail que cela lui occasionnera, le jeune ambitieux répond qu'« il veillerait à tout ».

Ainsi, en novembre 1861, Mac Clellan est la plus haute autorité militaire de l'Union, et n'a plus de supérieur – hormis le Président et l'opinion publique.

Or cette dernière s'impatiente de l'immobilisme de l'Armée du Potomac…

4. « Anéantir les Rebelles en une seule grande campagne »

C'est la promesse que fait Mac Clellan à l'opinion publique américaine. Au-delà de la haute idée qu'il se fait de ses mérites, il y a aussi la volonté politique de mater rapidement les états du Sud pour éviter qu'une guerre trop longue ne devienne radicale et n'amène à l'abolition de l'esclavage que réclament les Républicains les plus radicaux, mais qui sont encore minoritaires.

Malheureusement, les événements se succèdent pour le ralentir :

  • Début août c'est la nécessité de défendre Washington contre l'armée sudiste de Beauregard massée aux alentours de Manassas et au sud du Potomac ; une armée gigantesque de 100 000 (8 août) puis 150 000 (19 août) soldats confédérés (ils étaient 35 000 à Bull Run le 22 juillet).
  • L'opposition de Scott au renforcement de l'armée du Potomac d'août jusqu'à la mi-octobre).
  • A partir de novembre la nécessité de parfaire les préparatifs pour frapper le grand coup qui écrasera les Confédérés.
  • Plus tard, les pluies de l'hiver et l'embourbement des routes.

James Mc Pherson et d'autres historiens ont commencé à dater de ce moment la timidité qui frappe Mac Clellan au moment où il doit assumer les responsabilités suprêmes.

De mon côté je ne peux m'empêcher de constater qu'il y a de sérieuses carences de renseignement. On a beaucoup rapporté l'amateurisme des agents de Pinkerton qui ont eu tendance à collecter toutes les rumeurs et à les prendre pour argent comptant. Cela vaut pour le renseignement stratégique mais même au niveau tactique, il est surprenant que la cavalerie nordiste par exemple n'ait pas été en mesure d'estimer les effectifs réels qui faisaient face à Mac Clellan (tout au plus 80 000 face à ses 160 000).

19- 21 octobre 1861

Cependant le Congrès et le Président réclament des avancées et c'est pour les apaiser que le Général en chef entreprend de desserrer l'étreinte sudiste sur le Potomac. Il engage pour ce faire deux divisions (environ 23 000 hommes) commandées par Mac Call et Stone effectuer une reconnaissance du côté de Leesburg en Virginie. Au final, des éléments de la division de Stone se heurtent à des sudistes retranchés et subissent de lourdes pertes dont un sénateur servant sous les drapeaux. L'affaire se solde par la retraite de Stone, d'autant que la division de Mac Call avait été rappelée sur Washington sans que Stone en soit informé.

Cet incident militairement mineur (engagement de moins de 2000 hommes de part et d'autre) engendre un mouvement d'indignation au congrès et la création d'une commission d'enquête qui va commencer à faire tomber des têtes, en premier lieu celle de Stone, et auditionner de nombreux officiers généraux.

Novembre 1861

Ainsi, au moment où il a les rênes, Mac Clellan a déjà dilapidé en inaction le capital de popularité politique qu'il avait. Pour autant il continue à penser prendre de haut le Président, par exemple en le laissant attendre une demi-heure chez lui un soir avant de lui faire dire qu'il est couché (13 novembre)

Lincoln, qui tâche à la fois de faire bouger son général et de parer les coups qui lui viennent de plus en plus des députés républicains du congrès, laisse faire car il espère toujours de lui des résultats qui tardent. Il ira jusqu'à dire ce soir du 13 novembre à son secrétaire d'Etat (ministre à la Guerre) « je lui tiendrais les rênes de son cheval pourvu qu'il ramène une victoire ».

23 Décembre 1861

Lorsque vient son tour d'être auditionné par la commission le 23 décembre 1861, Mac Clellan qui souffre de la typhoïde ne peut comparaître et ses subordonnés n'ont aucune information sur un éventuel plan d'offensive.

Janvier 1862

A ce moment il échappe de peu au limogeage mais le Président le somme de présenter son plan. Il en présente le 12 janvier les grandes lignes mais refuse d'en dévoiler les détails à Lincoln ou à Stanton, nouveau secrétaire d'Etat à la Guerre, qui est pourtant un ami.

Le 27 janvier, Lincoln promulgue une ordonnance enjoignant aux armées d'entreprendre des actions offensives à partir du 22 février. Il précise le 31 janvier en ordonnant à l'armée du Potomac d'avancer par voie de terre sur Richmond en attaquant Manassas et Centreville, qui sont au cœur de l'armée de J.E. Johnston. Mac Clellan répond par une lettre au président dans laquelle il désapprouve dans les détails son plan et expose ENFIN les détails de son plan : un débarquement à Urbanna sur, la rive sud de la Rappahanock. Lincoln cède et laisse Mac Clellan mettre en œuvre son plan, soulagé que son général ait enfin décidé de bouger, même s'il éprouve des doutes sur sa stratégie.

Mars 1862

Le 8 mars 1862, Lincoln demande lors d'un conseil de guerre l'opinion des officiers de Mac Clellan sur le plan Urbanna. Ils expriment leur confiance à des degrés divers.

Mais le mauvais sort s'acharne…. Tout d'abord, un navire cuirassé sudiste, le CSS Virginia, sort des chantiers navals et fait planer la terreur sur les navires de l'Union, même s'il a dû rentrer au port pour se renflouer dès le 9 mars, après un engagement contre l'USS Monitor, son homologue du Nord.

Enfin et surtout, l'armée de Johnston évacue ses lignes de Potomac au nez et à la barbe de l'Armée du Potomac, laissant supposer le rétablissement de lignes au sud de la Rappahanock, ce qui tue dans l'œuf le plan Urbanna. En effet, un débarquement si près des troupes sudistes pourrait tourner au massacre. Rapidement (les navires embarquent le 17 mars) il propose un débarquement au bout de la péninsule de la James River pour contourner les défenses sudistes et remonter vers Richmond.

Cependant il y a pire : il apparaît publiquement qu'une bonne partie des pièces d'artillerie sudistes qui menaçaient Washington étaient des leurres (des sculptures en bois), une sorte de précédent aux chars gonflables de l'Armée Patton en face du Pas-de-Calais en 1944 :D.

Au mieux le « Napoléon américain » s'est fait berner. Au pire… journaux et parlementaires s'enflamment contre celui qu'ils adulaient huit mois plus tôt. Mac Clellan échappe au limogeage, mais Lincoln lui retire la charge de Commandant en Chef « pour qu'il puisse se concentrer sur l'Armée du Potomac ». Cette charge sera assurée par le Gouvernement lui-même.

Beaucoup de lignes dans ce paragraphe pour décrire une absence de résultats de 8 mois. Beaucoup de lignes pour décrire des excuses, des plaintes, des récriminations et des failles criantes en particulier dans le renseignement de terrain.

Quand Mac Clellan embarque à Alexandria, il est sans doute déjà sur la sellette. Peut-être en tiendra-t-il compte dans la suite des opérations.

5 . La bataille des 7 jours

Début juin, Lee lance J.E.B. Stuart et sa division de cavalerie dans un raid de reconnaissance chargé d'évaluer la position et l'ampleur des corps nordistes de part et d'autre de la Chickahominy. Ce dernier balaie toutes les forces de cavalerie nordiste, dispersées plutôt que regroupées dans une division puis part dans une « fuite en avant » qui le ramène à Richmond après avoir fait le tour de toutes les forces de l'armée du Potomac.

Lee a donc connaissance du fait que l'aile droite de Mac Clellan n'est protégée par aucun élément de relief et décide donc de faire porter là son effort principal, consistant essentiellement dans le commandement de Jackson renforcé d'éléments du commandement de Lee lui-même.

Le risque majeur est que l'aile droite des confédérés se retrouve en infériorité numérique face à l'aile gauche nordiste. Anticipant le caractère timoré de Mac Clellan, Lee accepte le risque…

 1er round : 25 juin 1862 – Oak Grove 

Mac Clellan choisit pourtant de frapper sur l'aile affaiblie de Lee avant que Jackson se déploie et confie cet assaut au IIIe Corps d'Heinzelmann, consistant en 2 divisions totalisant 6 brigades. Ce corps a sur son flanc gauche le IVe Corps de Keyes (2 divisions – 5 brigades) et sur son flanc droit le IIe Corps de Sumner (2 divisions- 6 brigades). Face à ces trois corps, le commandement de Magruder oppose au sud de la rivière 3 divisions totalisant 7 brigades).

Le but est de forcer Lee à annuler l'offensive qu'il prépare sûrement pour le forcer à défendre Richmond.

L'attaque démarre à 8h30 et se déroule comme prévue sauf pour la brigade de droite qui prend du retard sur les deux autres, en raison des abattis (barrages de troncs et de broussailles) et des marais sur sa route, puis en raison d'une résistance sudiste « tenace ». Heinzelmann ordonne l'envoi de renforts et en informe Mac Clellan – son supérieur-.

Ce dernier qui est à l'arrière et n'a pas d'éléments d'informations pour interpréter le niveau de résistance dont lui fait part son subordonné panique, ordonne aux troupes de revenir sur leurs retranchements de départ à 10h30 soit après seulement deux heures de combat. Il ordonne aussi une suspension de l'offensive le temps qu'il vienne se rendre compte.

A 13 heures, se rendant compte qu'il a surestimé la gravité de la situation il ordonne la reprise de l'assaut -c'est-à-dire le trajet qui a été fait le matin déjà dans les deux sens. Les combats durent jusqu'à la nuit sans progrès notables. 

Le lendemain, Lee lance malgré cette « menace » sur son flanc sud l'attaque qu'il a prévue.

Résumé : manque de sang-froid, incapacité à déléguer.

Bilan de cette attaque : 625 hors de combat pour le IIIe corps, 441 pour la division de Huger. Gain tactique faible. Gain stratégique nul.

2e Round: 26 juin 1862 – Mechanicsville 

Lee décide de passer à l'offensive face au Ve Corps de Porter.

Son plan consiste à lancer le corps de Jackson sur l'aile droite de Porter dans un premier temps, afin de forcer ce dernier à évacuer les retranchements établis le long du Beaver Dam Creek, un affluent de la Chickahominy. A.P. Hill doit attaquer pour maintenir une pression suffisante le long de ce ruisseau tandis que les divisions de Longstreet et D.H. Hill doivent contourner sa division pour venir appuyer respectivement la division A.P. Hill et le corps de Jackson .

Malheureusement, Jackson se révèle complètement léthargique. Sa marche de flanc est trop lente et après 4 heures d'attente, A.P. Hill attaque les retranchements nordistes intactes. Les deux divisions de Longstreet et D.H. Hill tentent maladroitement de l'épauler mais les attaques seront complètement décousues. En fin de journée Jackson arrive enfin mais n'entreprend rien de sérieux.

Côté nordiste, les divisions de Porter et plus particulièrement la division Mac Call ont défendu le terrain plus que correctement. 

Bilan de cette attaque : 1484 pertes sudistes / 361 pertes nordistes. Echec tactique sudiste.

Manque de sang-froid: Craignant que la présence de Jackson ne le déborde et ne coupe la ligne de ravitaillement de toute l'armée (la voie de chemin de fer), Mac Clellan ordonne à son subordonné de retraiter d'environ 8 km vers de nouvelles positions. Cet ordre est également justifié par les simulacres d'attaques de Magruder et Huger face aux quatre corps demeurés au sud de la rivière. 


3e Round: 27 juin 1862 – Gaine's Mills

 Lee reprend l'offensive avec un plan similaire dans les grandes lignes à celui de la veille : contournement de la ligne nordiste par Jackson suivi d'une attaque de flanc accompagnée d'attaques de diversion par AP Hill et Longstreet. Ce plan suppose une bonne coordination entre ses subordonnés qui fera encore malheureusement défaut. Une mauvaise estimation des positions nordistes complique encore l'attaque en faisant arriver Jackson face au flanc nordiste plutôt que derrière.

L'attaque débute vers midi quand Ambrose P. Hill, comme la veille, lance ses brigades face à des nordistes retranchés avant que Jackson n'ait atteint le champ de bataille. Ce n'est finalement que vers 19 heures qu'une attaque générale à peu près coordonnée se développe et fait craquer la ligne de défense nordiste.

Attaques de diversion au sud de la Chickahominy

Dans le même temps, deux attaques sudistes du commandement de Magruder ont lieu sur la VIe armée, chacune menée par une brigade, l'une vers 16 heures qui dure dix (10) minutes, l'autre vers 19h plus acharnée, menée par Robert Toombs, en contradiction avec les ordres reçus. Leur but est de maintenir un semblant d'activité et ce but est pleinement atteint.

Manque d'un plan d'ensemble côté nordiste

Ainsi, quand Porter demande de nouveaux renforts pour colmater la ligne de front et contre attaquer en fin d'après-midi, Mac Clellan demande à ses chefs de corps au sud de la rivière de quelles troupes ils peuvent se passer. C'est seulement lorsqu'ils répondent qu'ils ne peuvent se séparer de rien (Dans le cas de Franklin il ne lui reste plus qu'une de ses deux divisions, soit trois brigades) qu'il ordonne à Sumner (IIe corps) d'envoyer deux brigades.

Les IIIe et IVe corps ne participent pour leur part pas du tout à cette bataille ni ne sont attaqués par Magruder et Huger.

Incapacité à donner des ordres en situation de crise

Plus tôt dans la journée Mac Clellan est « désappointé » d'apprendre que Franklin a détruit le pont qui lui aurait permis d'envoyer plus rapidement des renforts sur le flanc sud des Sudistes.

On pourrait être tenté de blâmer Franklin pour cette initiative malheureuse si l'on perdait de vue que depuis la veille, Mac Clellan a déjà en tête une retraite générale, et n'a ni envisagé ni laissé entendre qu'il envisageait un plan offensif.

Dans ces conditions s'en remettre à l'initiative de ses subordonnés est plus qu'hasardeux et fait plus penser à une volonté de se dédouaner en cas de défaite qu'à une réelle marque de confiance envers eux, surtout envers Sumner qu'il tient en piètre estime depuis la bataille de Williamsburg qu'il a commandée en son absence et durant laquelle il a échoué à piéger l'armée de Johnston.

Pour Mac Clellan, qui a piétiné pourtant durant un mois devant les lignes de Williamsburg, la conduite de Sumner « a fait passer les nordistes à un doigt de la défaite » et a prouvé à son chef qu'il « était encore plus idiot qu'il ne pensait ».

Manque de sang froid

A 20 heures, Mac Clellan expédie au ministre de la guerre le télégramme dans lequel il annonce avoir été attaqué « par l'ennemi en nombre infiniment supérieur […] sur les deux rives de la Chickahominy ».

  • Dans les faits, l'attaque sudiste mobilise environ entre une fois et demie et deux fois les effectifs du Ve Corps, lequel tient une position défensive fortifiée (que Porter exploite habilement). Le rapport de force n'est donc pas excessif.
  • Dans le sud, le VIe corps (réduit déjà à une division) est certes harcelé par deux brigades, inférieures donc à ses trois brigades.
  • Le IIe corps peut à la rigueur se penser harcelé mais ne voit même pas d'attaque organisée au niveau de la brigade l'affronter.
  • Quant aux IIIe et IVe corps, ils ne voient pas l'action ce jour-là.

A minuit, Mac Clellan a craqué et expédie un télégramme qui sera heureusement pour lui (malheureusement peut-être pour l'armée du Potomac) amendé :

« J'ai perdu cette bataille parce que mon armée est trop peu nombreuse […] Le gouvernement ne nous a pas soutenus […] Si je parviens à sauver mes hommes cette fois-ci, je vous dis franchement que ce n'est pas grâce à vous ni grâce à quiconque à Washington. Vous avez fait tout votre possible pour sacrifier nos forces. »

Peut-être le général nordiste est-il franc, mais il est singulièrement aveugle ou muet sur ses propres lacunes. 

Bilan de Gaine's Mills : 7993 pertes sudistes / 6837 pertes nordistes. Victoire tactique sudiste.

  • Concrètement, le IVe corps aurait pu dès le 27 au matin venir épauler le Ve corps après Mechanichsville, dont l'ampleur des pertes pouvaient lui faire entendre que l'attaque sudiste se porterait là, au nord de la rivière. Par ailleurs, son axe de ravitaillement et de transport de l'artillerie lourde se trouvait aussi au nord et aurait dû l'amener à porter l'effort principal de sa défense sur ce secteur.

  • Une autre solution aurait pu consister pour les 4 corps présents au sud à attaquer les lignes sudistes leur faisant face, pour submerger l'aile sudiste protégeant Richmond et forcer Lee à y dépêcher des renforts.
  • Celle pour laquelle Mac Clellan opte est sans doute la pire : faire retraiter une armée le long d'un axe de ravitaillement non préparé APRES qu'elle ait tenu bon face à l'ennemi, le tout en abandonnant le matériel lourd.

4e Round : Savage's Station 29 juin 1862

L'attaque sudiste menée par Magruder commence vers 9h et se replie devant l'opposition nordiste. Celle-ci consiste dans les IIe, IIIe et VIe corps. Jackson censé prendre de flanc les nordistes perdra du temps à reconstruire des ponts au lieu de franchir les gués dont l'existence lui a pourtant été signalée, et fera une sieste.

Le Ve corps de Porter (qui a subi la veille les assauts sudistes les plus féroces de la campagne) et le IVe corps de Keyes, qui n'a vu aucun combat d'importance depuis le début de l'offensive sudiste et peut donc être considéré comme « frais » se dirigent vers la James River.

Mac Clellan les précède, abandonnant les blessés et le matériel lourd et laissant les trois corps d'arrière garde sans consignes et sans organisation de commandement.

Dans ces conditions, Heinzelmann quitte la ligne avec son IIIe corps, estimant que les VIe et IIe Corps de Franklin et Sumner suffiront à la tâche. Ce dernier, que Mac Clellan juge « a fool » mais qui est le plus ancien en grade va prendre en main la défense durant la journée et dissuader les attaques sudistes, peu déterminées il est vrai.

Abandon de poste : c'est bien le grief qu'on est obligé de faire à Mac Clellan pour ce jour et les suivants. De fait, les batailles de Glendale et Malvern Hill se feront sans lui, sans cesse occupé ailleurs qu'à gérer son armée, laquelle parviendra heureusement à casser l'élan sudiste.

Ce qui sauvera l'armée, c'est certes l'entrainement qu'a su lui donner son général en chef, mais surtout la maîtrise de ses généraux de corps qui souvent se débrouilleront sans lui.

La sauvera aussi le fait qu'à ce moment, Lee n'a pas encore pu/sur organiser son armée pour la rendre aussi efficace qu'elle sera par la suite. A sa décharge il n'a eu qu'un mois pour ce faire, contrairement aux 11 mois qu'a eus Mac Clellan pour organiser son commandement.

6. Pourquoi garder Mac Clellan ? Campagne de Virginie septentrionale (juillet août 1862)

C'est visiblement la question que commence à se poser Lincoln au cours du mois de juillet.

Le 23 juillet, le président nomme un nouveau général en chef : Henry W. Halleck, pour pouvoir se concentrer lui-même sur son rôle politique (on se rappellera qu'il avait remplacé Mac Clellan le 11 mars par un conseil de guerre formé du président, du ministre de la défense et d'officiers).

Nul doute que Mac Clellan ait peu apprécié cette nomination qu'il a pu prendre pour un camouflet.

Plus tôt le 26 juin, Pope a pris le commandement de la toute nouvelle armée de Virginie, composée des commandements de Frémont (remplacé par Sigel après sa démission), Banks et Mac Dowell (détaché de l'armée du Potomac, donc du commandement de Mac Clellan). Le nouveau général fait diffuser lors de sa prise de fonctions un discours qui fait une très mauvaise impression sur la majorité des troupes.

« Nous devons nous entendre entre nous. J'ai dû venir vers vous de l'ouest, où nous avons toujours vu les dos de nos ennemis ; d'une armée dont le travail a été de chercher l'adversaire et de le défaire lorsqu'il était trouvé ; dont la règle a été l'attaque et non la défense. À une seule occasion, l'ennemi a été capable de mettre nos armées orientales dans une position défensive. Je présume que j'ai été appelé ici pour poursuivre le même système et de vous mener contre l'ennemi. J'ai l'intention de le faire, et cela rapidement. Je suis sûr que vous attendez une opportunité de gagner la distinction de le faire. Cette opportunité, je m'efforce de vous la donner.

En même temps, je désire retirer de vos esprit certaines phrases, que je regrette trouver en si grande vogue parmi vous. J'entends constamment de « prendre de solides positions et de les tenir », de « lignes de retraite », et de « base de ravitaillement ». Rejetons de telles idées. La plus solide position d'un soldat devrait être d'occuper celle à partir de laquelle il puisse le plus aisément avancer contre l'ennemi. Étudions les lignes de retraites probables de nos adversaires, et laissons de côté les nôtres s'occuper d'elles-mêmes. Regardons devant nous, et non derrière. Le succès et la gloire sont dans l'avance, le désastre et la honte planent à l'arrière.

Agissons sur cette compréhension, et il est facile de prédire que vos bannières seront inscrites avec beaucoup d'actes glorieux et que vos noms seront chers pour vos concitoyens pour toujours »

— John Pope, ordre aux officiers et soldats de l'Armée de Virginie, 14 juillet. »

On peut y déceler de la vantardise, bien que les succès dans l'ouest auxquels il fait référence sont réels, et cela indispose naturellement ses subordonnés (dont certains sont plus gradés que lui, ou plus anciens dans le grade : Frémont démissionne pour cette raison, et en raison aussi de frictions antérieures sérieuses entre les deux hommes). Mais on peut aussi y voir le dénigrement de troupes qui se sont fait étriller au printemps par les Confédérés et une remise en cause de leurs commandements. De ce point de vue, ce discours est un très mauvais discours d'entrée en fonctions.

Alpheus Williams, commandant une des deux divisions de Banks traduit sans doute le sentiment de la plupart des officiers des unités qui combattent en Virginie depuis mars 1862 quand il écrit en privé cette appréciation du nouveau général après la défaite du second Bull Run.

« Tout ceci est l'enchaînement des manifestes tonitruants du général Pope. Ses ordres pompeux ... ont grandement déplu à son armée dès le début. Quand un général se vante qu'il ne verra que les dos de ses ennemis, qu'il ne prend pas soin de ses lignes de retraite ou de ses bases de ravitaillement ; quand, en bref, d'un hôtel douillet à Washington il donne des ordres après le dîner pour satisfaire le public et son amour-propre, chacun peut prédire avec confiance les résultats qui ont suivi la gestion incompétente de sa dernière campagne ... Je n'ose croire dans la manière dont je parle de ce commandant comme je le ressens et le crois. Il suffit de dire (pour mes seuls yeux) que plus d'insolence, de morgue, d'ignorance, et de prétentions n'ont jamais été vu chez un seul homme. On peut dire en vérité de lui qu'il n'a pas d'ami au sein de son commandement du plus petit tambour jusqu'au plus haut officier général. Tous le haïssent.»

Par ailleurs, cela revient à critiquer frontalement la vision de la conduite opérationnelle de Mac Clellan et de l'armée du Potomac, et ce dernier, au vu de la susceptibilité qui le caractérise a dû fort bien le percevoir.

Pope semble donc avoir séduit Lincoln et les parlementaires comme Mac Clellan les avait séduits : par une promesse d'avance rapide.

Malheureusement, là encore la mise en œuvre des plans grandioses est laborieuse. Pope envoie une brigade de cavalerie en reconnaissance vers Gordonsville, mais celle-ci est prise de vitesse par Jackson et son corps. En même temps, Mac Clellan entame à nouveau une avance sur Richmond, avance qu'il annule quand Lee lui fait face, fin juillet.

Le 29 juillet, Pope désireux d'obtenir des gains avant que l'armée de Mac Clellan ne lui prête la main, décide d'avancer vers le sud le long de la voie ferrée, sans doute pour ne pas avoir à collaborer avec Mac Clellan. Ce dernier se fait d'ailleurs tirer l'oreille pour obéir à l'ordre de rapatriement qui lui est transmis par Halleck le 3 août et auquel il décide finalement d'obéir le 14.

On peut déjà prédire que la coordination des deux armées sera compliquée et elle l'est en effet. Halleck échoue à synchroniser ses deux subordonnés.

L'armée de Pope tente de bousculer le corps de Jackson à Cedar Mountain le 9 août mais y échoue. Après plusieurs jours d'escarmouches sur la Rappahanock gonflée par les pluies, l'armée nordiste se retrouve ensuite coupée de Washington par le corps de Jackson, rejoint par le corps de Longstreet et par Lee.

A partir de là, il perd l'initiative et se retrouve défait à Bull Run. L'intervention de l'armée du Potomac limite le désastre mais ne peut empêcher l'armée de Pope de reculer de harcèlement en harcèlement jusque Washington, où Pope, pour justifier de ses erreurs les reportera sur Porter et Mac Clellan, aggravant encore son impopularité dans son armée. Finalement Porter sera jugé pour lâcheté et désobéissance (il sera réhabilité en 1879 par un nouveau jugement). Quant à Pope, il est renvoyé se faire oublier dans l'Ouest.

Mac Clellan est blâmé pour avoir jugé publiquement que c'était une bonne chose que Pope ait été laminé, oubliant trop vite qu'avec la correction d'un rival qu'il n'appréciait pas il y avait aussi un enjeu national.

Pour autant il n'est pas révoqué et se voit confier le commandement des 3 corps de l'armée de Virginie, celui de Mac Dowell reprenant sa place (Ier Corps), celui de Sigel devenant le XIe, celui de Banks le XIIe, ainsi que celui de Burnside (le IXe) qui était revenu de Caroline du Nord

Cet épisode lamentable montrant deux généraux se comportant l'un et l'autre comme des (sales) gosses permet de répondre à cette question : pourquoi Lincoln a-t-il conservé Mac Clellan ?

Il y a deux éléments de réponse :

  • Les autres généraux de son rang à disposition de Lincoln ne valent pas mieux : le comportement de Pope est de ce point de vue impressionnant. En un mois et demie, il a créé un climat détestable sans obtenir le moindre gain.
  • Mac Clellan est malgré tout aimé de ses soldats, qui continuent de croire en lui-même dans les déconvenues, et il a su leur donner de la fierté. Concrètement jamais les troupes du Potomac n'ont manqué de combativité malgré les nombreux revers que cette armée a subi.

Son poste a cependant été présenté à un général dont nous reparlerons bientôt, mais qui le refusera par honnêteté et par amitié pour Mac Clellan : Ambrose Burnside.

7. Clap de fin: la campagne d'Antietam - septembre-novembre 1862

Aussitôt après la seconde bataille de Bull Run et la bataille de Chantilly, Lee décide d'envahir le Maryland pour ravitailler son armée sur des territoires épargnés par la guerre, rallier des sympathisants de la cause du Sud et faire fléchir l'opinion unioniste avant les élections de mi-mandat qui vont se tenir début novembre 1862.

Pour faire face à l'urgence, Lincoln décide pour fusionner les deux armées de Virginie et du Potomac de miser à nouveau sur Mac Clellan, Pope étant renvoyé à l'Ouest.

En cette occasion, le vieil Abe a retenu les qualités organisationnelles de Mac Clellan, qui lui valent l'affection des troupes sous ses ordres. Il aurait dit en ces circonstances pour justifier son choix devant un cabinet plus que mitigé : « Nous devons prendre les outils dont nous disposons. Il n'y a pas un homme dans cette armée qui puisse organiser nos défenses et remettre nos troupes en état aussi rapidement que lui. Il ne sait pas livrer combat, mais il excelle à y préparer les autres »

Mais ce choix, est pour le général la dernière chance et il ne sait pas la saisir.

Tout d'abord il craint encore et toujours la supériorité numérique de Lee sur ses 87 000 hommes. Ce dernier compte 55 000 soldats qui vont vite se réduire à 45 000 par le jeu des désertions de soldats. En effet ces derniers approuvent de défendre « leur » pays mais pas celui de mener une guerre d'invasion du Nord. La crainte de se heurter à un ennemi supérieur en nombre ralentit son avancée

Pourtant il joue de chance, quand il met la main sur un exemplaire des plans d'invasion de Lee, qui a prévu comme souvent de diviser ses forces, l'une à destination du Maryland occidental, l'autre à destination de Harper's Ferry, pour sécuriser son axe de ravitaillement et saisir les stocks de l'arsenal fédéral qui s'y trouve.

Mac Clellan décide bien de surprendre et vaincre les corps sudistes séparément les uns des autres mais il hésite presque une journée à lancer le mouvement, un laps de temps qui permet à Lee, inquiet du tempérament plus offensif que d'ordinaire de Mac Clellan de regrouper ses troupes à temps du côté de Sharpsburg, avec deux divisions pour retarder les Unionistes aux cols de la South Mountain (14 septembre 1862).

Dans le même temps, Jackson parvient à prendre Harper's Ferry (13-15 septembre) avant de rejoindre le corps de Longstreet le 16 septembre à Sharpsburg, au moment où l'armée du Potomac se positionne le long de l'Antietam Creek, face à la petite ville.

Ainsi Mac Clellan ne parvient-il encore pas à juguler son hésitation et sa timidité, malgré des coups de chance dont il bénéficie.

Le 17 septembre au matin, le flanc droit de Mac Clellan, sous le commandement de Sumner traverse la rivière et se déploie.

Le Ier Corps de Hooker est le premier à attaquer à l'extrémité de la ligne dès l'aube vers 5h30 mais le XIIe corps de Mansfield sur sa gauche ne se joint pas à l'attaque avant 7h30 laissant le corps de Hooker attirer l'intégralité du feu confédéré pendant deux longues heures. L'attaque du Ier corps a déjà perdu de son élan quand le XIIe s'y joint, permettant aux troupes de Thomas Jackson de le repousser à son tour, après des combats sanglants. Là-encore la détermination des soldats du Potomac a été à la hauteur de celle de leurs adversaires. Cependant vers 9 heures, les combats sont devenus désorganisés et il n'y a plus moyen d'emporter une décision majeure par le biais de ces deux corps.

C'est à ce moment que Sumner jette le IIe corps dans la bataille, vers 9h30, au moment où les Confédérés sont en mesure de lui opposer des troupes débarrassées d'une menace sérieuse sur leur gauche.

A partir de 10 heures, sur l'autre aile, plus au sud, Burnside lance l'attaque de son IXe corps à travers un pont surplombé par des hauteurs abruptes à partir desquelles une brigade (celle de Roberts Toombs) les tient en respect pendant cinq heures par des tirs empêchant les unités nordistes de se déployer. Ce n'est que vers 15 heures que le IXe corps parvient enfin à passer la rivière, en négligeant deux gués situés à un et deux kilomètres en aval, qui auraient pu permettre à ses trois divisions de déborder la seule brigade qui lui était opposée.

Malheureusement la division de A.P. Hill arrive vers 16 heures de Harper's Ferry et parvient à rétablir le front, empêchant la tenaille de se refermer sur l'armée sudiste.

Les deux corps de Porter (Ve) et Franklin (VIe), gardés en réserve ne participent pas significativement à la journée, même quand Sumner parvient à ouvrir une brèche dans les lignes sudistes que le VIe corps frais aurait pu exploiter sans avoir à traverser la rivière.

A la fin de la journée, environ 22500 combattants des deux côtés sont hors de combat.

Durant toute la journée, les efforts nordistes ont manqué de concertation. Trop de temps s'est passé entre l'engagement du XIIe par rapport au Ier, du IIe par rapport au XIIe pour que la nouvelle vague puisse s'appuyer sur la précédente pour une manœuvre de débordement.

Trop de temps également pour que le deuxième lame de la cisaille (corps de Burnside) se referme.

Enfin, le non engagement des réserves alors que l'opportunité de briser l'armée adverse se présente, et qui était le but principal fixé à cette bataille est une faute majeure.

Ces fautes dans la conduite de cette bataille et le refus d'obéir aux ordres répétés durant un mois de poursuivre Lee qui s'est replié dans la vallée de la Shenandoah, avec les sempiternels manques de tel ou tel matériel et la tout aussi sempiternelle crainte « d'étirer ses lignes de communication » scellent son destin militaire.

Le 4 novembre 1862, les élections ont eu lieu, le 7, Mac Clellan est enfin remercié et remplacé par un Burnside écrasé par la tâche qu'il pressent déjà de conduire l'armée principale des Etats Unis et de succéder à un Mac Clellan très apprécié de son armée.

Ironie de l'Histoire, le peu d'allant que Mac Clellan a mis à combattre aura fait durer le conflit assez pour que les opinions dans le Nord en viennent à considérer que l'esclavage était une question qui devait être tranchée pour que le rétablissement de l'Union puisse sainement se faire. Or lui-même souhaitait le rétablissement de l'Union sans mise en cause de l' « institution particulière » du Sud.

Aurait-il été plus efficace, son souhait aurait pu s'exaucer. Un an plus tard, c'est devenu impossible.

Seconde ironie de l'histoire c'est cette authentique victoire d'Antietam (bien que pas parfaite ni exploitée) qui fournit à Lincoln une opinion publique prête à entendre la déclaration d'émancipation qu'il prononce le 22 septembre 1862 :

« Je déclare que les efforts tendant à coloniser [à installer comme colons] les individus d'origine africaine, avec leur consentement, sur le continent ou ailleurs, avec l'adhésion préalablement obtenue des gouvernements qui y sont établis, seront continués ; que le premier jour de janvier, en l'an de Notre-Seigneur 1863, tous les individus possédés comme esclaves, en quelque État que ce soit ou en quelque partie que ce soit d'un État dont la population sera alors en rébellion contre les États-Unis, seront désormais et pour toujours libres, et le gouvernement exécutif des États-Unis, y compris l'autorité militaire et maritime desdits États reconnaîtra et maintiendra la liberté desdits individus, et ne fera aucun acte tendant à entraver ces individus ou aucun d'eux dans les efforts qu'ils pourront faire pour conserver leur liberté absolue. »


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